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Lettre de conjoncture de la Direction Exécutive de l’ITECA aux partenaires sur la crise haitienne actuelle

Chers partenaires,

Le rebondissement de/dans la crise conjoncturelle franchit sa sixième semaine à compter du 21 octobre 2019. Nous avons pris plus de temps qu’espéré pour partager avec vous la position de l’ITECA relative à ce moment dans la spirale de la crise haïtienne qui, au demeurant, est exceptionnel à bien des égards. La présente lettre de conjoncture sera très probablement la première d’une série, puisque la durée de ce nouveau rebondissement de/dans la crise conjoncturelle pourrait être longue avec des formes de manifestation multiples et multiformes.

Un premier point est que tous les membres de notre équipe, malgré des risques encourus, sont jusqu’à présent sains et saufs. Et nos différentes installations n’ont pas été attaquées ni menacées. Il n’en va malheureusement pas de même pour certaines institutions et organisations partenaires sur le terrain. Nous continuerons à maintenir le même niveau de vigilance et tenir actif le mécanisme permanent de consultation qui intègre également des membres du Conseil d’Administration.

Le deuxième point met l’accent sur la particularité du rebondissement de/dans la crise conjoncturelle aujourd’hui constaté. D’une part, tous les ressorts de la gouvernance du pays sont aujourd’hui cassés. Tous les pouvoirs d’Etat sont dysfonctionnels. Le Gouvernement ne contrôle plus rien. Un consensus se fait jour pour un changement de régime au plan sociétal. Mais rien n’est clair sur : Qui pour succéder ? Comment parvenir au remplacement ? Quel programme de transition minimum ? Quelle durée à cette transition ? Le pays toujours et encore semble être incapable de forger un compromis plus ou moins collectif vers un avenir minimum et meilleur. Nous tous et toutes – du moins presque  – sommes unis.es dans le rejet du régime actuel. Mais la recherche de l’alternative de remplacement  reste un obstacle particulièrement insurmontable.

D’autre part, c’est l’une des rares fois que les puissances tutrices – particulièrement les Etats-Unis – semblent ne pas hâter d’imposer leur solution à une crise conjoncturelle. Ce qui ne traduit pas forcément un désintérêt de leur part. Bien entendu, le soutien des Etats-Unis au régime du Président Jovenel Moïse est dénoncé par l’opposition qui forme une nébuleuse à la fois confuse et hétéroclite. Mais il est assez facile de faire porter la responsabilité de nos incapacités à d’autres. Parce que jusqu’à présent aucune proposition de sortie de crise qui fasse vraiment consensus au niveau des acteurs haïtiens ne semble émerger. Un équilibre chaotique avec son cortège d’aggravation des conditions socioéconomiques et de dégradation de la situation humanitaire est donc constaté : le pouvoir dans l’incapacité de gouverner et une alternative pour un réel changement conjoncturel toujours très hypothétique. Quelques efforts sont récemment annoncés. Mais ils doivent gagner en consistance sociale, institutionnelle et organisationnelle.

Enfin, le troisième élément de particularité du rebondissement de/dans la crise conjoncturelle actuelle renvoie à sa nature même. La lutte contre la corruption en est l’élément moteur. Cette portée éthique ou morale tranche avec l’histoire politique haïtienne. Une telle portée projette les mobilisations sociales en cours dans des complexités quasiment inextricables. Nous nous demandons comment des secteurs politico-mafieux qui sont également à l’avant-scène dans la lutte contre le Gouvernement actuel pourraient, suite à un changement de régime,  eux-mêmes se soustraire à cette demande sociale et citoyenne de reddition de comptes ? L’impératif d’une refondation de la société civile acquiert de ce point de vue une importance centrale. Elle finira par constituer l’acteur clé qui pousse à l’émergence d’un pouvoir alternatif dans le pays. Telle est donc la lueur d’espoir qui existe au bout du tunnel marqué par cette situation d’incertitudes et de confusion sociopolitique régnant actuellement dans le pays !

Un troisième point considéré dans la présente lettre de conjoncture porte sur les effets induits par la crise actuelle sur les programmes et projets mis en œuvre par l’ITECA. Des évaluations de la situation ont été faites. Et le Comité de Programme a de manière exhaustive analysé leur état d’avancement et des dispositions sont aussi arrêtées. S’agissant des constats, il en est ressorti les éléments suivants :

  • Les coordonnateurs et coordonnatrices ainsi que les cadres responsables des composantes techniques (renforcement organisationnel, animation, gestion-économie) affectés habituellement sur le terrain ont été dans l’incapacité de se rendre dans les régions depuis quatre (4) semaines. Tout semble indiqué qu’il n’y aura pas d’évolution majeure dans les prochaines semaines.

Dans les 4 régions, les techniciens-nes resté.es sur place n’ont pas pu fonctionner à cause, d’une part, de la rareté de carburant, laquelle a entrainé une hausse du prix du transport à moto, et d’autre part, à cause des troubles sociopolitiques dans les villes comme Cayes et Saint Marc.

Les secrétaires (Gros-Morne et Belladère) se rendent au bureau quand c’est possible. C’est plus difficile aux Cayes  car la ville est pratiquement paralysée. D’une manière générale, le personnel sur place n’arrive à pas fonctionner normalement.

  • Les Coordonnateurs-trices et les responsables techniques ont établi une communication à distance avec les structures associatives partenaires de l’ITECA sur le terrain via des groupes whatsapp et le téléphone. Ces structures associatives continuent de fonctionner mais leurs activités sont perturbées, notamment l’approvisionnement en intrants et la commercialisation des produits avec les autres villes telle Port-au-Prince.
  • Le travail de terrain de l’ITECA est suspendu depuis quatre (4) semaines notamment les activités de formation, d’appui technique aux producteurs-trices et coopératives, accompagnement des unités de production des jeunes (Gros-Morne), planification de rencontre avec les autorités locales (PAGODE/Sud).
  • Le Programme R2D2 a une spécificité. L’ITECA n’est que le Chef de file. La Cellule de Coordination s’est informée de la situation des 3 autres partenaires : ADEMA, Concert Action et Veterimed. Ils sont confrontés tous à une situation de paralysie. Ils ne peuvent pas avancer dans leur processus de recrutement et finaliser certaines formalités administratives, telle l’ouverture de compte bancaire spécifique dédié au Programme. La Cellule de Coordination envisage de proposer un réajustement de la programmation existante.

Après analyse et réflexions, il a été résolu que l’ITECA ne peut continuer à être absent encore plus de temps sur le terrain. Il est indispensable de réviser notre planification. Mais cela ne peut se faire qu’avec les acteurs. À l’exception pour l’instant des bureaux de Gros-Morne et de Saint-Marc, les équipes des bureaux dans les départements du Sud et du Bas Plateau Central sont redéployées sur le terrain à compter du 20 octobre 2019. Elles passeront un temps assez long sur place et des dispositions ont été adoptées en conséquence. Des consignes de vigilance visent particulièrement l’équipe du Sud, en raison des dommages dont ont été victimes les ONG dans cette ville (pillage de Caritas Sud par exemple). Nous suivrons de près la situation pour envisager des dispositions concernant les bureaux de Gros-Morne et de Saint-Marc.

Un dernier point extrêmement important qui est adopté dans la stratégie de fonctionnement de crise au niveau de l’ITECA concerne l’impact de la situation sur les moyens d’existence des communautés et des groupes cibles accompagnés. L’environnement dans les différentes zones d’intervention a subi des changements majeurs. Le Gouvernement vient même solliciter à la date du 11 octobre 2019 une aide alimentaire d’urgence aux Etats-Unis d’Amérique. La crise qui se prolonge aggrave donc  la situation humanitaire qui est déjà,  par ailleurs,  très précaire dans le pays. L’économie est exsangue avec un taux de croissance négatif pour l’année 2019. Les rares entreprises sociales bénéficiant de l’accompagnement de l’ITECA font face à des difficultés de toute sorte et certaines sont contraintes tout simplement d’arrêter leurs activités. Un rapport d’évaluation est attendu à brève échéance. Les conclusions et recommandations seront partagées avec tous nos partenaires.

Telles sont nos premières appréciations de la crise actuelle sur nos activités. Nous nous excusons de la teneur un peu longue de la lettre. Nous allons garder avec vous toutes et tous un contact permanent. Nous vivons une situation qui est assez complexe et dont la lisibilité sera loin d’être acquise à partir d’une seule communication.

En toute solidarité,

Chenet JEAN-BAPTISTE

Directeur Exécutif

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